La quadripartite Philosophical Mutation nuance la notion de nécessité intérieure telle que l’a définie KANDINSKY, convaincu que les deux grands règnes de l’art et de la nature sont régis par des lois séparées et autonomes et que seul l’art abstrait pouvait mener à la compréhension d’une loi générale de l’univers. Cette nécessité intérieure peut être qualifiée de spirituelle, l’abstraction ne semblant pas avoir, dans le contexte exposé par l’artiste, d’autre signification que de retrouver une résonance intérieure, signe de la présence divine.
Gelb-Rot-Blau, exécutée en 1925, est son œuvre la plus importante de la période Bauhaus ; elle développe la thématique des trois couleurs primaires et leur correspondance avec trois formes géométriques fondamentales, le triangle, le cercle et le carré. Kandinsky exprime le refus du néant et du silence éternel en répartissant sur les trois formes de base les trois couleurs primaires. Au cercle il associe la couleur typiquement céleste du bleu qui développe un recueillement solennel, supraterrestre comme les sons graves d’un orgue. La couleur qui attire l’homme vers l’infini et éveille en lui la nostalgie du Pur et de l’ultime suprasensible. Au carré, le rouge, avec sa chaleur qui agit intérieurement comme une couleur très vivante et qui résonne telle une fanfare. Et enfin, au triangle, dernier élément fondamental pour Kandinsky, la couleur jaune spécifiquement terrestre qui symbolise le mouvement vers l’homme mais aussi le franchissement des limites et la dispersion des forces sur son entourage en prenant la sonorité d’une trompette.
L’art étant selon moi, une activité exclusivement humaine, ma critique évoque tout d’abord la thèse « Abstraction et empathie », de l’historien et critique d’art allemand Wilhelm Worringer, qui définit en 1907, le pouvoir thérapeutique du processus de création artistique : « De tout temps, l’art proprement dit a satisfait un profond besoin psychique et non la simple impulsion d’imitation, limitée à la joie ludique de copier des modèles naturels. Le nimbe qui entoure le concept d’art, tout le respectueux dévouement dont il n’a cessé de faire l’objet ne peuvent être psychologiquement élucidés que si l’on conçoit un art né de besoins psychiques et satisfaisant de mêmes besoins ».
La médecine traditionnelle chinoise accorde, quant à elle, une grande importance aux interactions survenant entre le corps humain et le monde extérieur. Le corps et son environnement constituent un tout organique, le psychisme étant indissociable du somatique.
« Chaque homme est un artiste », a énoncé Joseph Beuys, persuadé que la créativité individuelle mène à la liberté. Chacun a ainsi en soi « une puissance de mise en forme qu’il doit connaître et développer » pour faire de sa vie une œuvre d’art, une création en perpétuelle évolution.
Le quatrième argument de mon argumentation abonde dans le sens des précédents et découle de mon vécu personnel : atteint d’une maladie neurodégénérative apparue à l’adolescence, j’ai appris, rétabli de traumas dus à un violent accident de la route, ensuite à la dépendance à l’alcool, qu’une faiblesse peut, détermination persistante et bonne volonté aidant, s’avérer être une véritable force. Je m’astreins ainsi régulièrement à la pratique du sport afin d’équilibrer la dépense d’énergie cérébrale et physique.
En tant que adepte du minimalisme, je préconise la simplicité dans l’exécution : la citation « Less is more » préconise purisme, dépouillement, rigueur, raison, sérénité, cohérence, lucidité et connaissance.
La philosophie se réserve le privilège de créer le concept, ce qui, en tant qu’artiste conceptuel m’incite à initier une forme de « philosophie plastique », libérée de toutes contraintes à la tendance, exprimant et définissant l’art en fonction de lui-même. Mon art est ainsi investi par le concept ; il choisit les apparences expressives du concept de la chose et ma production est la manifestation perceptible de l’idée ; les paramètres esthétiques sont négligés, afin d’établir une relation créative réciproque entre le monde et moi-même. C’est l’histoire, pas le vécu, qui fonde la réalité de l’art actuel : être créateur, c’est innover, se mesurer à l’histoire dont l’interprétation passe par le langage, lequel devient ainsi le lieu propre de la création. C’est le langage qui produit originairement le sens ; l’œuvre fait corps avec l’écrit qui dirige le projet, car c’est uniquement dans le langage que les choses peuvent être posées comme telles, comme conformes à leur essence, posées dans leur être. La vocation première de l’art est de rendre toute l’intensité à la perception non soumise aux nécessités de l’action.