Ma conviction…

L’art est défini comme étant l’ensemble de moyens, de procédés conscients par lesquels l’homme tend à une certaine fin, cherche à atteindre un certain résultat. La philosophie le considère abstrait, incommensurable à l’esprit et s’attache de ce fait, à exclusivement en examiner la fonction.
Créer est une attitude ; ma production est le reflet de ma personnalité, le résultat de mes recherches et réflexions. L’art doit être capable d’améliorer le modèle limité aux nécessités quotidiennes ; les artistes doivent donc se détacher du souci d’être rentables et utiles. L’art se doit d’être contestataire voire répréhensible, subversif, corrosif, éprouvant, agressif, allergique à l’approbation des masses ; privé de tels attributs il n’est simplement pas de l’art, mais un ersatz vide, décoratif dans le meilleur des cas.
La philosophie se réserve le privilège de créer le concept, ce qui, en tant qu’artiste conceptuel consiste à initier une forme de « philosophie plastique », libérée de toutes contraintes à la tendance, exprimant et définissant l’art en fonction de lui-même. Mon art est ainsi investi par le concept ; il choisit les apparences expressives du concept de la chose et ma production est la manifestation perceptible de l’idée.
La thèse « Abstraction et empathie », de l’historien et critique d’art allemand Wilhelm Worringer, définit en 1907, le pouvoir thérapeutique du processus de création artistique : « De tout temps, l’art proprement dit a satisfait un profond besoin psychique et non la simple impulsion d’imitation, limitée à la joie ludique de copier des modèles naturels. Le nimbe qui entoure le concept d’art, tout le respectueux dévouement dont il n’a cessé de faire l’objet ne peuvent être psychologiquement élucidés que si l’on conçoit un art né de besoins psychiques et satisfaisant de mêmes besoins ».
La psychanalyse définit le conflit comme inhérent à l’être humain : il se manifeste entre les différents systèmes ou instances, entre les pulsions, entre le désir et la défense. Il se révèle encore particulièrement via le conflit œdipien, où non seulement des désirs contraires se confondent, mais où ceux-ci affrontent l’interdit. Le conflit psychique est l’expression d’exigences internes inconciliables, telles que désirs et représentations opposées, et plus spécifiquement, de forces pulsionnelles antagonistes. Il peut être manifeste ou latent. Celui-ci n’a jamais été aussi bien décrit et analysé que par la conception freudienne, qui domine par ailleurs tant en psychologie qu’en psychiatrie.


Mon projet artistique assimile ainsi :
– la notion d’antagonisme
– le minimalisme – « ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement ». Dans la citation « Less is more » le sens du mot less est synonyme de purisme, de dépouillement, d’épuration, de rigueur, de raison et de sérénité. Il est la cohérence, la lucidité, la connaissance. Le concept minimaliste est, à mon sens, l’opposition radicale au matérialisme, qui considère la matière en tant
que seule réalité.
– l’interdépendance entre l’être humain et son environnement ; entre le corps et l’esprit.


Atteint d’une maladie neuromusculaire déclarée à l’adolescence, j’ai appris, rétabli de traumas dus à un violent accident de la route, ensuite à la dépendance à l’alcool, qu’une faiblesse peut, détermination persistante et bonne volonté aidant, s’avérer être une véritable force. La médecine traditionnelle chinoise accorde une grande importance aux interactions survenant entre le corps humain et le monde extérieur. Le corps et son environnement constituent un tout organique, le psychisme étant indissociable du somatique. Je m’astreins ainsi régulièrement à la pratique du sport afin d’équilibrer la dépense d’énergie cérébrale et physique.
« Chaque homme est un artiste », a énoncé Joseph Beuys, persuadé que la créativité individuelle mène à la liberté. Chacun a ainsi en soi « une puissance de mise en forme qu’il doit connaître et développer » pour faire de sa vie une œuvre d’art, une création en perpétuelle évolution.
Je considère ainsi, la réalisation en tant qu’une énergie régénérative, une attitude ouverte au changement. Cette autre appréhension de l’objet artistique, implique simultanément et inévitablement, un changement de modèle de pensée, de réflexion et d’action. C’est pourquoi les paramètres esthétiques sont négligés, afin d’établir une relation créative réciproque entre le monde et moi-même.
Le travail et la réflexion ne se fondent pas exclusivement sur l’objet mais aussi sur l’espace dans lequel il est exposé. Dans l’ensemble ainsi formé, l’objet révèle l’espace et vice-versa. De nouveaux matériaux, produits en série, sont utilisés ; l’art évoluant dans ce contexte, au rythme de la société de consommation.

L’importance de l’art est aujourd’hui très loin de celle qu’il détenait aux époques de la Grèce antique et de la fin du Moyen Âge en Europe ; son unique objectif demeure de provoquer la réflexion philosophique dans le but de rigoureusement reconnaître sa nature fondamentale. La culture réflexive impose aujourd’hui ses lois et de ce fait, l’art n’a pas d’autre sens que d’être de l’art ; il s’agit d’un formalisme où la forme artistique se suffit à elle-même. Il doit se vouloir absolu et exclusif en tant qu’entité unique, isolé et distinct du reste. Sa seule signification doit être la volonté artistique, isolée de toute autre chose.
L’histoire de l’art définit temporellement la période propre à l’art contemporain comme ayant débuté en 1945 et étant toujours en cours. L’appellation art contemporain définit en fait l’art en train de se faire* et ne fait exactement référence au champ temporel défini par les historiens de l’art, que lorsqu’elle est utilisée à dessein, pour en définir le critère original. La sociologie définit trois grands paradigmes relatifs au monde de l’art : classique, moderne et contemporain, tandis que l’histoire de l’art fixe le commencement de la période « Moderne » à l’année 1870, début de l’impressionnisme, son épilogue à celui de la seconde guerre mondiale, l’année 1945. Le paradigme contemporain, bien qu’affligé par cent-cinquante siècles d’inconscient collectif figuratif représentatif,est ainsi le paradigme actuel, toute production réalisée aujourd’hui dans un style historiquement attribué à une période artistique antérieure devenant de ce fait obsolète.
La simple impulsion d’imitation, limitée à la joie ludique de copier des modèles naturels, ce plaisir esthétique né de la technique et de l’habileté, se révèle par ailleurs bien primaire compte-tenu des connaissances actuelles : la représentation ignore la perspective de l’être en faveur de l’immédiat. Cette idée esthétique n’est par ailleurs qu’une matérialisation inintelligible et inconcevable de l’imagination à l’origine de la pensée, comme la figuration, en sa qualité de mémoire des époques disparues, est encore susceptible d’aventureusement inciter à la nostalgie d’une vie défunte et à la dégénérescence de la vie actuelle.


Selon le philosophe français Henri Bergson, le réel, contrairement aux idées reçues, est d’autant moins accessible qu’il est l’ancrage à l’action, à la nomenclature langagière, qu’il devienne la finalité obsessionnelle de contrôler les choses. Inversement, l’indifférence à l’intérêt matériel dû à l’action, prédispose à une perception affinée, apte à mieux capter le réel, à judicieusement inverser le rapport préétabli entre le concret et l’abstrait, particulièrement important dans une importante proportion des productions dévolues à l’art moderne. La figure est, de fait, alors considérée comme étant la plus fidèle représentation de la réalité, telle que la définissent les mots et les actions qui permettent de l’appréhender, rendant toute autre donnée abstraite par défaut. C’est cependant cette perception commune du réel qui est bien abstraite : si seuls le langage et l’action sont concrets, le reste est alors vide de toute substance, de tout sens ! Se détacher de cette conception utopique assainit donc très certainement la vue, l’ouïe et la pensée en faveur d’une perception affûtée et davantage concrète.

C’est l’histoire, pas le vécu, qui fonde la réalité de l’art actuel : être créateur, c’est innover, se mesurer à l’histoire dont l’interprétation passe par le langage, lequel devient ainsi le lieu propre de la création. C’est le langage qui produit originairement le sens ; l’œuvre fait corps avec l’écrit qui dirige le projet, car c’est uniquement dans le langage que les choses peuvent être posées comme telles, comme conformes à leur essence, posées dans leur être. La vocation première de l’art est de rendre toute l’intensité à la perception non soumise aux nécessités de l’action.


Selon le philosophe français Alain Badiou, le rapport entre la présentation et la représentation est un sujet existentiel subordonné à toute procédure de vérité.

Dans le domaine des arts plastiques, l’art contemporain aurait ainsi inversé le paradigme historique de la représentation de la présentation de la nature, par celui qui rend possible la présentation de la représentation elle-même, pour finalement ne représenter que la représentation.

* Seul le moment présent est réel : le passé est souvenir, le futur est hypothétique

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