L’art a l’œuvre – III.

Historicité

Histoire de l’art

L’histoire de l’art est une discipline fondée sur la recherche, l’actualisation et la transposition des problématiques historiques et scientifiques via les phénomènes artistiques et culturels. Elle étudie les œuvres et leur signification dans le contexte historique, analyse les conditions de création, la reconnaissance du fait artistique, le contexte théorique, idéologique, anthropologique, économique, social, culturel et spirituel, de l’art.
De nombreux contributeurs à son élaboration ne se sont pas des historiens, ce qui explique qu’elle puisse être qualifiée de science transdisciplinaire ou multidisciplinaire, voire de science humaine. L’histoire de l’art s’approprie de nombreuses méthodologies et perspectives scientifiques actuelles, elle est la référence indispensable à l’appréciation de toute œuvre.
Comme l’histoire, elle est une matière complexe. Des influences exercées sur la production artistique au cours de ses différentes époques, ce sont celles relatives aux phénomènes de la mémoire collective, de l’héritage culturel et sociétal qui priment. Il est ainsi indispensable de savoir que la sociologie, l’étude scientifique des faits sociaux humains, a recensé trois grands paradigmes au sein du monde de l’art : le classique, le moderne et le contemporain. Chacun de ceux-ci constitue une rupture majeure avec le précédent, en termes esthétiques, mais implique également le renouvellement total des questions institutionnelles, organisationnelles, économiques, logistiques. L’histoire de l’art détermine que la période moderne débute avec l’impressionnisme (1870) et se termine en 1945, après la seconde guerre mondiale, avec l’émergence du Groupe Fluxus et l’avènement du Pop-Art.
La conclusion collatérale, scientifique autant qu’humaine, confère donc inéluctablement au paradigme contemporain le label d’art actuel et de ce fait, à tout autre type de production simultanément réalisée dans un style répertorié comme lui étant historiquement antérieur, l’appellation d’œuvre obsolète.

Mémoire

La connaissance du passé devrait éviter la reproduction d’erreurs antérieures similaires. Le devoir de mémoire est non seulement utile à la reconnaissance de leur réalité, mais est également susceptible de permettre d’éviter ce qui doit désormais l’être à tout prix. Selon Polybe (−206 – −124), homme d’État, historien et théoricien politique grec, l’histoire fournit des exemples d’hommes illustres et d’actions, qui constituent autant de modèles. L’histoire politique est un enseignement utile aux futurs hommes d’État afin qu’ils s’inspirent des grands exemples du passé ; elle a également l’utilité d’apprendre à supporter d’éventuels revers de fortune. Nietzsche nommera « histoire monumentale » la pensée susceptible de proposer des modèles politiques incitant au surpassement.
Il est évidemment hasardeux d’établir un parallélisme systématique entre le passé historique et le moment présent. L’histoire, telle qu’elle est enseignée, présente généralement les événements marquants du passé. Au-delà de cas particuliers, l’action politique trouve son inspiration dans l’étude du passé, par laquelle l’homme politique peut régler son action en l’adaptant aux circonstances. Reproduire des actes passés compte-tenu de circonstances présentes semblables, soit agir en fonction de la cause en espérant le même effet est évidemment illusoire. Comme l’ont montré Hegel dans « Les leçons sur la philosophie de l’histoire » et Machiavel dans « Le Prince », le but de l’étude de l’histoire n’est pas l’efficacité ou la prédiction. Comme le souligne Nietzsche dans « Les Secondes Considérations intempestives », trop analyser l’histoire, comparer les époques et redouter l’erreur nuisent à l’action cohérente. Le but de son ouvrage « Éloge de l’oubli » est d’accepter le passé, non de le nier. Quelle est l’utilité d’étudier un passé immuable et non reproductible à l’identique ? Le lien au passé est fondamental et l’histoire affirme l’identité personnelle et collective. Dans « La pensée et le Mouvant », Bergson analyse la dimension rétrospective de l’histoire tendant à introduire une linéarité dans le récit lorsqu’elle en est absente.

L’intérêt de l’individu pour son histoire personnelle et familiale permet de prendre conscience du moi intime. De parcourir, conformément aux théories de la psychanalyse freudienne, les différentes périodes de vie – parfois très lointaines – pour affûter la connaissance de la cause et la compréhension des émotions susceptibles de porter préjudice. Il peut encore trouver dans l’expérience historique, la source d’inspiration et de construction qui facilitera son épanouissement, tant il est plausible, selon la théorie existentialiste inspirée de Martin Heidegger et prônée par Jean-Paul Sartre, que l’identité se bâtit par l’expérience : l’existence précède l’essence.
L’histoire, peut ainsi être source d’inspiration, de réflexion, de décision et d’action en vue de trouver et de continuer une existence individuelle et collective inscrite dans le temps. Elle à un intérêt en termes de sens. Le philosophe Paul Ricœur, dans « Histoire et Vérité » et Karl Popper, dans « La logique des sciences sociales » affirment la scientificité de l’histoire et sa collaboration à la compréhension du réel. Des points de vue politique et juridique, la connaissance exacte et objective de faits historiques peut ainsi aider à surmonter certains traumatismes communautaires. C’est ainsi le rôle qu’a joué, les travaux de la commission « Vérité et réconciliation » après la guerre civile et le génocide rwandais.

Histoire du marché

Sous Louis XIV, l’accroissement des collections royales se fait de trois façons :

– par héritage ou lors de ventes quelques peu nécessaires ou forcées

– par l’achat de pièces isolées très importantes

– par l’envoi de missions en Grèce et dans tout le pourtour de la Méditerranée orientale pour compléter des collections déjà importantes.

Ces méthodes sont similaires à celles utilisées par les musées et les universités des États-Unis au XXᵉ siècle. Il semble alors que l’une des caractéristiques essentielles de la circulation des œuvres d’art soit l’acquisition directe entre collectionneurs.

Jusqu’à la fin du XVIIIᵉ siècle, la vente, dont la vente aux enchères constitue la partie la plus importante des opérations commerciales réalisées, mais elle est vraisemblablement moins usitée en ce qui concerne le négoce des œuvres d’art. Celle-ci apparaît au XVIᵉ siècle. Du XVIIᵉ, elle sera et demeure aujourd’hui, la vitrine du commerce d’art.

Ce marché, quelque peu opaque, semble peu accessible aux non-initiés ; ses intervenants peuvent cumuler compétences et attributions : collectionneurs, courtiers, marchands, experts, consultants, historiens, commissaires, curateurs…

L’époque entre 1740 et 1770 voit une augmentation rapide du nombre de collectionneurs sur le marché parisien. La demande d’œuvres augmentant, les catalogues de vente sont plus explicites et mieux détaillés, alors que le nom des artistes n’est cependant plus mentionné. Les experts-marchands jouent un rôle prépondérant dans le fonctionnement de ce négoce, imposant leur compétence aux collectionneurs. C’est de cette époque que datent les premières publications cohérentes relatives à l’histoire de la peinture et l’accroissement de l’intérêt pour le sujet. Dès 1750, l’augmentation du prix des œuvres fait comprendre aux collectionneurs que celles-ci peuvent devenir une forme de placements spéculatifs.

La Révolution française génère un flux d’œuvres d’une ampleur sans précédent. Les bouleversements politiques et sociaux qui secouent l’Europe provoquent des transferts massifs de propriétés, ainsi que l’avènement d’une nouvelle clientèle. Cette situation va entraîner une profonde modification des transactions, comme de l’organisation du marché. Les principales caractéristiques du marché de l’art tel qu’il fonctionne encore aujourd’hui apparaissent ainsi peu à peu. Londres devient la place forte du marché de l’art européens. Les prix qui s’y pratiquent sont supérieurs à ceux enregistrés à Paris, ce qui explique que des œuvres recueillies par succession y soient préférentiellement vendues. Le marché londonien est également propice à l’écoulement d’œuvres signées de peintres néerlandais, grandement appréciées par la clientèle anglaise.

Le goût de la collection se répand à toute l’Europe, dont la bourgeoisie s’enrichit. La demande augmente et se diversifie, l’augmentation des prix est rapide et conséquente.

Si l’histoire n’a guère recensé les marchands de la première moitié du XIXᵉ siècle, il en est autrement après 1870, époque à laquelle apparaissent de fortes personnalités souvent fondatrice de dynasties de galeristes-marchands. Le galeriste et ami de Claude Monet, Paul Durand-Ruel (1831-1922), va ainsi durablement marquer l’organisation du marché en lui appliquant une stratégie basée sur quatre principes :

– l’organisation d’expositions-ventes individuelles en galerie, avec catalogue

– la conclusion de contrats d’exclusivité ou de première vision avec les artistes

– l’appel à des participations financières extérieures qui marque le début de la

participation des banques au marché de l’art

– la création d’un réseau de distribution international.

Ces pratiques se généraliseront par la suite et deviendront la norme. Le troisième quart du XIXᵉ siècle voit l’arrivée d’acheteurs américains sur les marchés londonien et parisien.

À la veille de la première guerre mondiale, les structures essentielles du marché mondial actuel sont en place. Après l’armistice, les États tenteront de contrôler le mouvement des œuvres, tandis que les acteurs du marché veillent à rester discrets.

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